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Home Politique Titre: Étude de cas - La Guinée : Le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) ''Un mouvement citoyen face à un régime autoritaire''

Titre: Étude de cas - La Guinée : Le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) ''Un mouvement citoyen face à un régime autoritaire''

  • by redaction
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Le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) a été créé en avril 2019 pour lutter contre les manœuvres du président Alpha Condé pour s’assurer un troisième mandat. Il est né dans le contexte d’une scène politique bloquée, marquée par l’ethnicisation et par la répression.
Le FNDC, mouvement hybride alliant société civile et partis politiques, est issu d’un écosystème spécifique : la rencontre entre une nouvelle génération de la société civile guinéenne, particulièrement intéressée par la question de la « gouvernance » et des « droits », au-delà d’une vision « technique » centrée autour du « développement » et des partis politiques d’oppositions puissants mais incapables à eux seuls d’empêcher Alpha Condé de changer la Constitution.
Cet écosystème, qui, du côté de la société civile, articule le militantisme et la professionnalisation, doit beaucoup au soutien apporté au fil des années 2010 par un ensemble de bailleurs de fonds internationaux, gouvernementaux, intergouvernementaux ou non-gouvernementaux. Si le régime Condé n’a pas hésité à faire pression, souvent avec succès, sur ces bailleurs de fonds, certains d’entre eux, notamment non-gouvernementaux, assument aujourd’hui ouvertement leur rôle politique et ont joué un rôle dans la résilience du FNDC.
Alliant manifestations et plaidoyer au niveau national et international, le FNDC a mené une lutte longue et difficile, sur l’ensemble du territoire national, sur les réseaux sociaux et à l’étranger. Cette lutte a été marquée par la répression des manifestations, qui a fait des dizaines de morts, par les arrestations parfois répétées de ses dirigeants et de ses militants, et par le départ en exil de certains d’entre eux.
Certaines caractéristiques du FNDC ont contribué à son succès et sa résilience : son leadership collectif et pluriethnique, son absence de formalisation, sa maîtrise des réseaux sociaux, sa gestion habile de son alliance avec les partis d’opposition, et notamment les deux plus puissants d’entre eux, l’UFDG et l’UFR. Autour de la question de la participation à l’élection présidentielle, l’alliance avec l’UFDG a éclaté, le FNDC se recentrant de plus en plus sur son noyau issu de la société civile.
Le régime Condé a su, par la répression et en partie aussi grâce à l’épidémie de Covid-19, réduire toute activité de manifestation du FNDC. Il a pu imposer le changement de constitution par référendum le 22 mars 2020 et remporter les élections législatives tenues le même jour, boycottées par l’opposition. Le régime a ensuite assuré la victoire d’Alpha Condé lors de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, scrutin à la crédibilité très faible. Ces manœuvres et ces violences lui ont coûté ce qui lui restait de légitimité.
Le sort du régime Condé n’a au final pas été décidé dans la sphère politique mais dans la sphère militaire, avec le coup d’État perpétré le 5 septembre 2021 par le lieutenant-colonel Mamadi Doumbouya, commandant du Groupement des forces spéciales de l’armée guinéenne. Il est clair cependant que l’usure du pouvoir a invité Doumbouya à se lancer dans l’aventure, applaudie par une large part de la population et certains acteurs politiques.

La junte du CNRD a d’abord semblé vouloir se rapprocher du FNDC, libérant ses prisonniers et facilitant le retour de ses exilés. Mais les discussions entre le CNRD et le FNDC n’ont pas permis de trouver un compromis. Instruit par l’exemple des participations précédentes de la société civile au pouvoir, le FNDC a formulé des exigences élevées, demandant notamment la présidence du Conseil National de Transition (CNT) là où le CNRD voulait le cantonner à des places subalternes. Faute d’accord, le CNRD a fait le choix de désigner Dr Dansa Kourouma, figure de la société civile mal considérée par le FNDC, et s’est efforcé de coopter ses membres, avec un succès limité.
Jusqu’au mois de juin 2022, Le CNRD tente d’imposer une transition prolongée, en maintenant un flou inquiétant sur le chronogramme et en contournant la classe politique établie, qui revendique un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Le FNDC et les partis politiques sont en train de se rapprocher à nouveau. Ils demandent aujourd’hui l’ouverture d’un cadre de dialogue sur le déroulement de la transition, dont ils négocient âprement les conditions – l’expérience Alpha Condé et les dialogues factices qu’il avait organisés sont présents à l’esprit de tous. Reste à savoir si le FNDC est encore assez puissant pour obtenir des concessions d’une junte dont la légitimité reste forte pour avoir chassé Condé.


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